par Erowid
Version 1.0
La culture Mixtèque du Mexique central vénérait de nombreux dieux, dont l'un connu comme Piltzintecuhtli, ou 7 fleurs (son nom se dessinait dans le langage imagé comme 7 cercles et une fleur) qui était le dieu des plantes psychotropes, dont le champignon divin. Le Codex de Vienne (ou Codex Vindobonensis, entre le 13e et le 15e siècle) décrit l'usage rituel des champignons par les dieux Mixtèques, montrant Piltzintecuhtli et 7 autres dieux tenant des champignons dans leurs mains.
Le peuple Aztèque possède un dieu similaire des plantes psychoactives sacrées. Xochipilli, Prince des fleurs, était le gardien divin du "Rêve Fleuri" du nom Aztèque du rituel de la transe hallucinatoire. Les Aztèques utilisaient un certain nombre de plantes hallucinogènes dont les champignons psilocybins (teonanácatl), les graines d'ipomée (tlilitzin), la Salvia divinorum, la Datura (tlapatl or toloache), le Peyote (peyotl), et les grains de mixitl. Les champignons psilocybins étaient utilisés lors des rituels et cérémonies, servis avec du miel ou du chocolat lors de leurs évènements les plus sacrés.1
Avec la victoire de Cortez sur les Aztèques en 1521, les européens commencèrent à interdire l'utilisation d'intoxiquants non alcoolisés, dont les champignons sacrés, et ainsi l'usage de teonanácatl ("Champignon Merveilleux" ou "Chair des dieux" 2) est devenu clandestin.
Au milieu du 16e siècle, le prêtre espagnol Bernardino de Sahagún décrivit l'utilisation des champignons hallucinogènes par les Aztèques dans son Codex Florentin :
"La première chose à être mangée lors de la fête sont de petits champignons noirs qu'ils appelent nanacatl et les mettent dans un état d'hébriété, d'hallucinations et même de luxure; ils les mangaient avant l'aurore... avec du miel; et quand ils commencaient à ressentir les effets, ils se mettaient à dancer, certains chantaient, et d'autres pleuraient... Quand l'hébriété des champignons passait, ils se racontaient les visions qu'ils avaient eues."
Selon Sahagún, les champignons psychoactifs ingérés par les prêtres Aztèques et leurs adeptes étaient toujours appelés teonanácatl, bien que le terme ne semble pas être utilisé par les indiens modernes ou les chamanes de mésoamérique. 3 Les variétés les plus probablement utilisées par les Aztèques sont Psilocybe caerulescens et Psilocybe mexicana. Psilocybe cubensis, qui est relativement populaire aujourd'hui du fait de sa facile identification et culture, n'a été introduit en Amérique qu'avec l'arrivée des européens et de leurs troupeaux.
Pendant la première partie du 20e siècle, il y eut une controverse parmi les chercheurs occidentaux, quant à l'existence même de champignons psychotropes. Bien qu'ils eurent été mentionnés par Sahagún dans ses carnets, un botaniste américain, William Safford, soutenait qu'il avait confondu les champignons avec des boutons de peyote séchés. Cette théorie fut fortement contestée par le botaniste amateur autrichien le Dr. Blas Pablo Reko, qui avait vécu au Mexique. Reko était convaincu non seulement que teonanácatl référait à des champignons psychotropes comme l'avait écrit Sahagún, mais que les gens utilisaient toujours ces champignons au Mexique.
Au début des années 1930, Robert Weitlaner, un anthropologue amateur autrichien fut témoin d'une cérémonie Mazatèque des champignons (velada), au nord-est de Oaxaca au Mexique. Après avoir entendu parler de la controverse entre Safford et Reko, il prit contact avec ce dernier et lui indiqua que les indiens Otomis de Puebla utilisaient des champignons comme intoxiquants et lui en envoyant quelques exemplaires. Reko les fit suivre à Stockholm pour procéder à leur analyse chimique, et à Harvard pour leur examen botanique, mais le temps qu'ils arrivent à destination, ils étaient trop abîmés pour être correctement identifiés.
Les spécimens furent recus à Harvard par l'ethnobotaniste Richard Evans Schultes. Schultes devint vite un supporteur de l'idée que Teonanácatl renvoyait effectivement à des champignons et dans la Revue du Musée Botanique d'Harvard, en Avril et en Novembre 1937, il argumenta contre les conclusions de Stafford et encouragea des travaux supplémentaires afin d'identifier ces champignons. En 1938, Reko et Schultes se rendirent au Mexique et après avoir entendu parler de veladas Mazatèques près de Huautla de Jimenéz au nord-est de Oaxaca, ils collectèrent des spécimens de Panaeolus sphinctrinus, qui s'avérera être le principal champignon psychoactif utilisé par les Mazatèques.
Il collectèrent également Psilocybe cubensis, Psilocybe caerulescens et peut-être quelques exemplaires de Psilocybe mexicana,4 qui furent tous déposés à l'herbarium d'Harvard. Alors que Ps. sphincrinus fut alors identifié comme psychoactif, seules 2 analyses ont depuis confirmé la présence d'alkaloïdes indoliques dans l'espèce alors que des centaines d'autres analyses ont été négatives. Les champignons examinés étaient alors probablement un mélange étiqueté comme une seule espèce. 5
Les recherches de Schultes et Reko prirent fin avec la Seconde Guerre Mondiale, et on en apprit pas beaucoup plus jusque dans les années 1950 quand un mycologue amateur, R. Gordon Wasson et sa femme Valentina Povlovna, se rendirent à Huautla de Jimenéz où ils assistèrent à une cérémonie nocture sous la direction d'un chamane appelé Don Aurelio. 2 voyages ultérieurs les amenèrent à rencontrer la guérisseuse María Sabina qui le 19 juin 1955, offrit à Wasson et à son compagnon photographe Allan richardson du Psilocybe caerulescens durant une velada (cérémonie des champignons).
En 1956, Heim demanda de l'aide à Sandoz Pharmaceutiques (une société suisse) pour extraire les éléments actifs des champignons. Albert Hofmann, un chercheur chimiste chez Sandoz, isola rapidement la psilocybine et la psilocyne, et en développa une technique de synthèse. Wasson continua à faire le voyage à Oaxaca lors des quelques années suivantes, et avec Roger Heim, publia le premier article largement diffusé sur les champignons psychoactifs et les Mazatèques, dans le numéro du 13 Mai 1957 du magazine américain Life.
Des informations populaires sur les champignons se répandirent rapidement. Les expérimentations avec les champignons et leurs substances actives synthétisées commencèrent et les "champignons magiques" 6 prirent vite part au mouvement psychédélique. Pendant les années 1960, les champignons et leurs éléments actifs furent utilisés comme drogues récréationnelles, dans des cadres thérapeutiques, et dans le contexte de nouvelles traditions spirituelles. En 1968, la possession de psilocybine et de psilocybe fut interdite aux Etats-Unis bien que des recherches sur leur usage thérapeutique ou médical continuèrent à être effectuées jusqu'en 1977.
Leur usage récréationnel continua alors que les recherches furent arrêtées pendant les années 1980 et 1990, à cause de contrôles stricts du gouvernement américain. Mais ces dernières années, la psilocybine et ses effets sur l'esprit humain sont redevenus des sujets d'intérêt pour les scientifiques.
NOTES
1. On soutient parfois que les Aztèques stockaient leurs champignons dans du miel, sans que l'on sache vraiment si le miel les conserve réellement. Jonathon Ott nous dit que "les embaumer dans du miel est inutile pour la conservation des champignons". [Jonathon Ott, Pharmacotheon (City: Publisher, 1993) Notes on Psilocybin Section.] Cependant, les expériences des amateurs ont montré que cela pouvait -dans une certaine mesure- être efficace. [Retour au texte]
2. John W. Allen, Teonanacatl: Ancient and Contemporary Shamanic Mushroom Names of Mesoamerica and other Regions of the World (City: Publisher, 1997) 3. [Retour au texte]
3. John W. Allen, Teonanacatl: Ancient and Contemporary Shamanic Mushroom Names of Mesoamerica and other Regions of the World (City: Publisher, 1997) 3. [Retour au texte]
4. John W. Allen, Personal Correspondence with Erowid, 1999. [Retour au texte]
5. Richard Evans Schultes, Descriptions written on herbarium sheets at Harvard. [Retour au texte]
6. Le terme "Champignons magiques" fut inventé par l'éditeur du magazine Life de 1957 dans lequel parut l'article de Wasson, malgré les réserves de ce dernier. [Peter Stafford. Psychedelics Encyclopedia. 236] [Retour au texte]